jeudi 26 septembre 2013

Ce qu'écrit un enseignant emprisonné

Le régime des mollahs a plus ou moins réussi une mise en scène, avant le départ du nouveau président de la République islamique, Hassan Rouhani à New-York pour participer à la réunion des Nations-Unies. Il a, entre autre, libéré une dizaine de prisonniers politiques, ce qui est en soi réjouissant. Les médias ont fait un grand tapage sur la possibilité d'une poignée de main entre Obama et Rouhani, mais finalement cela a eu lieu entre Hollande et celui-ci. Même cette poignée de main a été qualifiée de chaleureuse et sans précédent. Car, tenez-vous bien, la dernière fois où les deux présidents français et iranien ont eu ce geste-là remonte à loin, très loin, en 2005 ! Ce fut une poignée de main entre Chirac et Khatami sur le perron de l’Élysée.
Hollande et Rouhani ont eu un entretien de 40 minutes à huis clos comme cela est de coutume entre les États et leurs chefs. C'est d'ailleurs cela la démocratie, on appelle des millions d'électrices et d'électeurs aux urnes, mais une fois François ou Hassan élus, on se parle derrière les portes fermées !
Pour savoir si les mollahs ont pu séduire les Américains et autres Occidentaux, il faut attendre encore un peu. Par contre la vie réelle continue. En Iran plusieurs exécutions ont encore eu lieu ici ou là. Trois prisonniers accusés de meurtre ont été pendus à Ouroumieh la semaine dernière. Rien que dans la prison de cette ville, capitale de la province de l'Azerbaïdjan de l'Ouest, 31 prisonniers ont été exécutés depuis le 21 mars 2013. Un autre homme a été pendu à Machhad le 23/09/2013. Quatre hommes pendus aussi le 24/09/2013 à Kerman. Mais l'un des faits le plus courageux de la semaine a été celui des membres de familles des condamnés à la mort pour trafic de stupéfiants devant l'Assemblée islamique (le parlement iranien) le 22/09/2013. Ils ont protesté contre la peine de mort pour leurs proches. Le régime des mollahs exécute en effet plusieurs centaines de condamnés par an sans que le moindre changement soit constaté dans le nombre des consommateurs de drogues dures ou douces et le marché des produits.
L'autre fait marquant de la semaine est bien la lettre de Rassoul Bédaghi qui a été publiée le 24/09/2013 par des militants des droits de l'homme. Bédaghi est un enseignant qui a été arrêté le 1er septembre 2009. Il a été ensuite condamné à six ans de prison. La justice islamique l'a accusé d'"activités contre l’État" et de "réunion pour atteinte à la sécurité publique". Mais en réalité le "crime" de Bédaghi est ses activités syndicales au sein des Centres syndicaux des enseignants d'Iran.
Lisons quelques extraits de la récente lettre de Bédaghi. Il écrit que les enseignants ont toujours le souci de l'éducation. C'est pourquoi ils ont décidé depuis 1997 de fonder les Centres syndicaux des enseignants. Il précise qu'il y en a 45 partout dans le pays. Il précise aussi que ces Centres ont essuyé la répression aussi bien pendant les deux mandats présidentiels d'Ahmadinéjad que ceux de Khatami. Alors que ce dernier se disait réformateur et épris de libertés. Bédaghi dénombre ensuite les formes de répression: menaces, humiliations, persécutions, arrestations, emprisonnements, licenciements, condamnations à de lourdes peines allant jusqu'à l'exécution. Il se rappelle sûrement de l'exécution de son collègue le 09/05/2010. Ce jour-là le régime des mollahs a exécuté l'enseignant Farzad Kamangar et quatre autres prisonniers politiques à la terrible prison d'Evine située au nord de Téhéran.
Rassoul Bédaghi pose dans sa lettre des questions. Pourquoi le régime a peur des enseignants? Que veulent-ils? Il répond ainsi: "les enseignants sont parmi les groupes sociaux les plus populaires. Ils revendiquent ce que la plupart des gens demandent... les enseignants sont partout. Ils sont conscients des calamités sociales. Ils ont la confiance des gens et tout cela inquiète les gouvernants... Si l'on met bout à bout le nombre des enseignants, des élèves et des membres de leurs familles, alors cela fait beaucoup et cela fait peur aux gouvernants." Bédaghi donne aussi un aperçu des problèmes. Selon lui, les responsables de l'éducation nationales affrontent plusieurs problèmes: 1) la confiance des enseignants, 2) le contenu des livres scolaires, 3) la présentation de la religion aux enfants, 4) le problème des matières artistiques et sportives, 5) l'article 30 de la Constitution et 6) la politisation et l'éloignement scientifique dans le système éducatif. Il détaille ensuite chacun de ces points.
La lettre est ainsi signé: Rassoul Bédaghi, enseignant emprisonné, Rajaii Chahr.
Cette lettre montre une nouvelle fois que le régime des mollahs n'a pas réussi à dissuader les enseignants qui luttent et qui sont en prison pour simple raison de défendre un enseignement de qualité basé sur les sciences et non pas sur les aberrations religieuses qui détruisent le désir d'apprendre et qui n'aboutissent qu'à l'abaissement de corps et d'esprit de tous les enfants.
Il faut soutenir la lutte des enseignants en Iran. Il faut exiger la libération immédiate et sans conditions de tous les prisonniers politiques et enseignants et ouvriers syndicalistes emprisonnés en Iran.  
    
 

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